Trente ans après, la loi contre le tabagisme n’est toujours pas appliquée au Maroc
Rabat – dimanche 22 juin 2025
Trente ans se sont écoulés depuis la promulgation de la loi 15.91 interdisant de fumer et de faire la promotion du tabac dans certains lieux mais le texte n’est toujours pas appliqué de manière à garantir la santé publique, en particulier dans les espaces partagés.
Les initiatives parlementaires se sont succédées ces dernières années, que ce soit sous forme de questions écrites, de propositions de loi ou de demandes de transparence, afin que le gouvernement applique les dispositifs de cette loi et élargisse son cadre aux nouvelles formes de promotion du tabac comme le commerce en ligne ou la cigarette électronique.
Ces initiatives révèlent une inquiétude profonde en ce qui concerne le retard législatif et procédural dans ce dossier, qui n’a pas reçu une réponse institutionnelle suffisante. Plusieurs acteurs de la société civile ont décidé de hausser à nouveau la ton afin que cette loi soit appliquée.
C’est dans ce cadre qu’El Hassan El Baghdadi, Président de l’Association marocaine de lutte contre tabagisme et drogue, a condamné “l’indifférence officielle face à la loi d’interdiction du tabagisme dans les lieux publics”, affirmant que la loi 15.91 promulguée le 29 avril 1991 reste lettre morte depuis plus de trente ans.
Dans ses déclarations à Hespress, El Baghdadi a exprimé son indignation face à l’inaction des autorités malgré les demandes répétées de la société civile. Il a rappelé que la loi n’avait connu qu’une seule mise à jour, en 1995, restée elle aussi sans effet : “Nous sommes aujourd’hui en 2025 et la loi n’est toujours pas appliquée alors que 90% des Etats ont interdit le tabagisme dans les espaces publics”.
Il a également attiré l’attention sur “le commerce en ligne et la cigarette électronique”, sans oublier ce qu’il appelle “la manipulation des entreprises” qui ouvrent des magasins spécialisés dans le tabagisme et font tout pour séduire les jeunes, dénonçant le “silence face à ce phénomène en expansion”.
Le Président de l’Association marocaine de lutte contre tabagisme et drogue considère que l’absence de discours clair de l’élite politique face à ce phénomène ainsi que la non prise en compte des demandes de la société civile par le parlement et le gouvernement représentent une négligence envers la santé des citoyens : “La loi est claire. Elle interdit le tabagisme dans les lieux publics mais personne n’ose l’appliquer. Le résultat est que l’on peut fumer n’importe où sans entraves”.
Même s’il salue certaines initiatives individuelles prises par des institutions telles que l’Office national des chemins de fer et des aéroports du Maroc, qui a créé des espaces non fumeurs, El Baghdadi insiste sur le fait que cela ne décharge pas le gouvernement de ses responsabilités : “Ces efforts sont louables mais ils restent partiels et limités en l’absence de contrainte législative claire”.
El Baghdad a conclu en demandant au parlement et au gouvernement d’assumer leur entière responsabilité et de faire appliquer la loi. Il considère qu’il est inacceptable que le Maroc se prépare à accueillir des événements mondiaux majeurs tels que le Coupe du Monde alors que sa situation sanitaire demeure en retard par rapport aux infrastructures : “Le paquet de cigarette reste un signe de fausse modernité tandis que la santé des citoyens est la dernière des priorités”.
Article original publié en arabe sur le journal en ligne Hespress